un musée dans la caverne

Du bleu, rien que du bleu, encore du bleu... Un tableau tout bleu peut-il vraiment être une oeuvre d'art ? Quand un peintre ne fait rien d'autre que de recouvrir d'une seule couleur sa toile, peut-on considérer qu'il a créé quelque chose ? On n'est-ce pas une sorte de blague de mauvais goût ?

Au centre Georges Pompidou se trouve une toile d'Yves Klein : un monochrome, une toile toute bleue, donc, le bleu Klein - c'est le peintre qui a mis au point et fait breveter cette couleur, un bleu très magnétique, presque doré. La toile exerce une forte permanence rétinienne : quand on détourne les yeux, l'impression de bleu demeure un instant, tant ce bleu est chargé en pigments, tant il est vibrant et lumineux.

Mais voilà, ce n'est que du bleu.

Bien sûr, on pourrait passer son chemin en considérant que l'artiste se moque du monde. Mais... Arrêtons-nous un instant.

Avant de peindre, Yves Klein médite : il ne prend les pinceaux que quand il se trouve dans un état d'esprit qui lui convient. Ce qu'il cherche à transmettre à travers sa peinture, ce n'est pas une représentation du réel, une image de ce que nous pourrions voir - non, il nous transmet un état méditatif, un état d'esprit, un état d'être, une résonnance, comme si le tableau était une porte d'esprit à esprit.

Le peintre peint ce qu'on ne peut pas voir, il nous invite à un partage, à une contemplation par delà l'espace et le temps. D'ailleurs le bleu est depuis le Moyen-Age une couleur associée à la spiritualité - c'est la couleur du manteau de la Vierge dans les représentations traditionnnelles. Indépendamment d'une religion, le peintre s'intéresse à une quête spirituelle - à la reconnaissance de son propre esprit.

Peindre l'invisible et non ce qu'on a sous les yeux... le tableau prend sens quand on s'intéresse à l'intention de l'artiste. Il ne représente rien mais tente de nous mettre en présence de quelque chose. Il ne nous montre rien mais nous interpèle - nous convie à un suspens partagé.

Hypathie