un musée dans la caverne

De la muse, inspiratrice des arts, le sculpteur n’a retenu que la tête, comme si le corps n’était qu’une représentation anthropomorphique qui masquait en fait l’essentiel. Cette sculpture représente, en ce sens, un élagage : il s’agit bien d’art figuratif, mais épuré, stylisé, pour que la contemplation ne se perde pas dans des détails qui seraient des surcharges du point de vue de l’expression du sens.

Cette sculpture devient ainsi une métaphore : la tête, symbole de la pensée, est dorée à l’or fin – elle incarne donc le caractère précieux et incorruptible de l’idée qui guide l’artiste et par laquelle il cherche à animer la matière : l’inspiration.

Le spectateur qui s'approche de la tête pourra y voir apparaître son reflet : la muse est donc aussi un miroir, peut-être parce qu'elle renvoie chacun à sa propre créativité, peut-être encore parce que la beauté n'est, en un sens, qu'un retour de l'esprit sur lui-même, au sens où elle n'est pas dans la chose, dans l'objet tel qu'il existerait séparé de nous. Elle renvoie plutôt à la contemplation d'un objet par un sujet qui, éprouvant du plaisir dans le regard qu'il porte sur la chose, se dit "c'est beau" - cette beauté qualifie donc notre rapport au monde, elle est un entre-deux.

Il est juste ainsi que le regard se regarde lui-même en s'approchant de cette inspiratrice des arts, car l'art est en un sens la façon dont l'artiste met en forme la capacité qu'a l'homme à se représenter le réel et à se découvrir lui-même dans le spectacle de sa propre activité. Ce que l'on contemple dans l'oeuvre, c'est l'esprit lui-même - l'esprit offert à la contemplation de l'esprit.

Ici le visible (la matière de l’œuvre et la forme qu’elle adopte) représente l’invisible (une idée abstraite) sans que rien ne soit présent pour faire joli : pas d’ornementation, mais une épure.

 Hypathie