un musée dans la caverne

Dans la danse classique et néo-classique, les danseuses s'élèvent sur des chaussons qui leur permettent  de faire tenir le poids du corps simplement sur leurs orteils - on ne commentera pas ici le caractère douloureux de la chose.

L'origine de ces chaussons remonte à l'époque romantique : leur première apparition sur scène se fait à l'occasion du ballet La Sylphide, dans lequel un jeune homme, James, délaisse sa fiancée pour l'amour d'une créature ailée qu'il est seul à voir, image d'un idéal féminin impossible à saisir. C'est la ballerine Marie Taglioni qui reste dans l'histoire pour avoir porté ce rôle - et, pour la première fois, ces chaussons. L'usage des pointes permet de mettre en avant des qualités d'apesanteur, comme si la danseuse s'affranchissait des lois de la gravité : on recherche la légèreté, l'élévation. Le lien avec le sol se fait minuscule, et le mouvement se déploie dans l'espace comme s'il pouvait ne plus dépendre de la terre. Le succès de ce ballet a été considérable et l'usage des pointes s'est généralisé.

Cela peut aussi être l'occasion de souligner une maîtrise technique virtuose : dans le ballet La Belle au Bois dormant, l'adage de la danseuse qui interprête le rôle principal, au  premier acte, comporte des moments d'équilibre sur une seule jambe, sur pointes. Ce qui est mis en scène, c'est donc aussi la façon dont la danseuse va venir à bout d'une difficulté extrême - même si les pas ont un sens : la princesse Aurore, qui reçoit alors ses prétendants, est à un moment clef de son existence puisqu'elle doit se choisir un époux. L'équilibre c'est la maîtrise, le contrôle, le choix, quelle que soit la fragilité apparente de la jeune fille.

En ce sens la danse de cette époque correspond à un idéal de dépassement - de soi et des limites. C'est un art de la transcendance. Les pointes sont un moyen au service d'une certaine idée du beau et de l'art.

Hypathie

En photographie : Isabelle Guérin