un musée dans la caverne

un musée dans la caverne

Stoker de Park Chan-wook : une expérience des sens.

    Tous vos sens entrent en émoi, vous pénétrez dans un univers où l’érotisme s’allie au meurtre dans un duo splendide qui n’ira pas jusqu’à rejouer Bonnie and Clyde, mais flirtera avec cette lignée. Un homme entre dans la vie d’une jeune fille suite au décès de son père. Elle n’a jamais été proche que de lui, sa mère n’étant qu’une femme enfant sans aucun autre passe-temps que la flânerie. India, jeune fille évanescente passionnée par la chasse. Elle va faire la rencontre de son mystérieux oncle Charlie, ce grand voyageur qui n’a jamais fait une seule escale au domicile de son frère jusqu’à ce jour : il a alors élu domicile ici. Ici, c’est une grande maison perdue dans la forêt où les herbes poussent et les roches se déplacent. Les visiteurs se font rares et les jeunes hommes se montrent pressants auprès d’India. « India, India » elle entend cette voix qui l’appelle le jour de l’inhumation de son père : est-ce un mirage ? Non, c’est la voix inconnue de son oncle, qui lui semble pourtant si familière ; est-elle lié à lui par d’autres liens que celui du sang ? De son regard perçant, elle tente de déceler les signes qui lui permettraient de découvrir l’identité de Charlie. Est-il vraiment ce qu’il prétend être, un simple membre de la famille qui a passé sa vie à vagabonder à travers le monde ? Toujours est-il qu’il ne laisse pas indifférente sa mère, qui s’essaie aussitôt à le séduire. Ce dernier adopte un étrange comportement à l’égard d’India : que lui veut-il vraiment ? Pourquoi revient-il ainsi après plusieurs années sans avoir donné de nouvelles ? Elle lui en veut mais elle ne sait pas pourquoi. Non, il n’était pas absent toutes ces années, il a toujours pris soin de lui envoyer des souliers à sa taille comme pour annoncer une marche prochaine vers une nouvelle voie : le chemin qu’elle empruntera sera très différent de celui qu’elle a sillonné jusqu’à aujourd’hui. Elle ne le sait pas encore, mais elle aussi, elle est différente ; elle est vouée à un grand destin. Pour l’heure, elle se contente de laisser battre la mesure, pianotant en rythme. Le piano, un instrument envoûtant lorsqu’il se pratique à deux : India laisse échapper un souffle orgasmique aux côtés de son oncle qui l’accompagne. Inceste ou lien indéfectible ? Charlie n’est pas venu pour corrompre sa nièce, il est venu pour l’initier à un nouveau mode de vie, il est venu pour la faire devenir ce qu’elle est véritablement. L’attachement fort qu’il a pour elle n’a rien de malsain ; c’est un jeu à flux tendu entre deux êtres qui ont toujours été reliés l’un à l’autre, malgré la distance physique qui les séparait. Cette barrière physique, elle ne sera jamais franchie, mais toujours fantasmée : une chaussure qui épouse un pied, une fermeture éclair qui glisse le long d’une veste, une glace qui fond dans la bouche, deux regards qui se croisent, un souffle qui s’échappe… L’esthétique est magique, les cinq sens s’éveillent en une symphonie mirifique : notre esprit et notre corps ne font plus qu’un et s’évadent l’espace d’un instant de la salle de cinéma dans laquelle ils sont enfermés. Ce film est une expérience sensible, sensuelle, sensationnelle. Un empiriste y verrait une confirmation de la primauté des sens dans la découverte du monde : nous y voyons une confirmation de l’exaltation des sens face à la beauté du monde. Le monde ne signifie pas la vie : loin d’être une ode à la vie, Stoker serait plutôt une ode à l’Eros et au Thanatos. La tension érotique qui émane de ce film opère une fascination sur le spectateur : dans un jeu trouble de lumière et de sons, le réalisateur nous emmène au bout d’une quête émancipatrice où la mort redonne un sens à la vie, dans l’indifférence des valeurs morales. De même qu’« une fleur ne choisit pas la couleur de ses pétales », l’homme ne choisit pas la couleur de ses actes : il cherche seulement à leur donner un sens. La chute, parfois aussi rude que l’ascension, dépend de l’inclinaison du vent : l’homme n’a qu’à courber l’échine tandis que le roseau se brise…

 

Lolita



20/05/2013
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